ETAT DES YEUX | Printemps 2020 | Sous la lampe de jour et de nuit de Colette
lundi 13 avril 2020
"Je voulais que ce livre fût un journal
Mais je ne sais pas écrire un vrai journal,
c'est à dire former grain à grain, jour après
jour, un de ces chapelets auxquels la préci-
sion de l'écrivain, la considération qu'il a
de soi et de son époque, suffisent à donner
du prix, une couleur de joyau, garder l'insolite,
éliminer le banal, ce n'est pas mon affaire,
puisque , la plupart du temps, c'est l'ordinaire
qui me pique et me vivifie. A me promettre de
ne plus rien écrire après...
[... ] Que mon lecteur s'y résigne : lampe de jour et
de nuit, bleue entre deux rideaux rouges,
étroitement collée contre la fenêtre comme
un des papillons qui s'y endorment le matin,
en été, mon fanal n'éclaire pas d'événements
de taille à l'étonner. ".
Colette, Le fanal bleu
Dimanche de Pâques .
J'écoute une émission sur Colette ce matin...
"J'ai bonne envie de dire"... comme cette ancêtre de littérature, que je n'ai pas vraiment lue jusqu'ici, ce que j'ai en tête aujourd'hui, "collée" à la baie vitrée et à l'écran d'ordinateur...
Cela n'a pas grand chose à voir avec elle. Mais sa légende m'intéresse... son "bonnet d'astragan" en guise de chevelure... Sa liberté de comportement, son goût pour les marginaux et la rusticité dans ses relations. Ses défiances contre les "suffragettes" et ses encouragements pour un féminisme au quotidien... Dans la vie comme au cinéma , "il n'y a qu'une bête" et "les secrets des simples"...
Je pense à toutes les fêtes de Pâques traversées depuis ma naissance, la plupart amnésiques. La tradition des poules dodues et des poissons plats en chocolat, des mini-oeufs en sucre parfaitement écoeurants, dont nous nous gavions pourtant pour sentir la liqueur sous la dent, exorbitant luxe familial annuel associé à la messe et aux cloches tambourinantes. Il y a belle lurette que je ne vais plus à la messe, je suis une mécréante assumée qui songe avec tendresse et ironie à tous ces mensonges de l'éducation parentale, eux-mêmes piégés par leur formatage social et culturel. Le rituels chrétiens ont disparu de ma vie, sauf pour les inhumations où je ne peux que respecter les choix des morts et de leurs représentants mais je me refuse à réciter les prières imprimées dans mon cerveau, à chanter des chants laudateurs et culpabilisants. La liturgie me semble à chaque fois artificielle, outrancière, complètement détachée de l'affectivité des survivants. "Ne pleurez pas ! " Bien, sûr que si ! " Laissez - le ou la entrer dans le Royaume de Dieu " ! Encore faut-il qu'il existe ! Ici-bas , il s'appelle inquisition, terrorisme, scandale pédophile, carcan comportemental, patriarcat rétrograde... Dieu n' y est pour rien 'y 'existe pas... Si ? et s'il existait, il faudrait lui demander des comptes, non ? La religion n'a été inventée que pour capter des richesses et réguler l'expansion des graffitis sur les murs des lamentations. L'humain est démuni, impuissant, fragile et il réclame depuis la naissance une protection supérieure, un modèle d'identification et des repères pour tracer son destin... Le sentiment d'appartenance à une croyance collective le rassure et l'enferme dans des doctrines qui le dépassent et le contraignent. L'aspect commercial des festivités religieuses est un prosélytisme déguisé difficilement évitable. Avec la mondialisation et le mélange des cultures il devient une Babel Babylonienne où nous picorons des distractions conviviales. Aujourd'hui nous ne ferons pas la chasse aux oeufs avec l'enfant dans un jardin... Nous ne lui parlerons ni de Jésus, ni de la résurrection, ou alors s'il s'y intéresse, comme un conte de fée un peu glauque ... La semaine sainte est confinée et elle évite des contaminations. C'est un bien commun que de suspendre ces rassemblements dans les circonstances actuelles. Cela me fait réfléchir sur le statut de la spiritualité et de ses effets grégaires dans nos existences. Nous ne renoncerons pourtant pas aux petits oeufs qu'on cache, nous en répartirons dans l'appartement, mardi prochain, avec un plan d'île aux trésors...
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